Rencontres

Ennui. Tox’ marchait sur les toits d’astrub, l’un des seuls emplacements ou il ne risquait pas de sentir le fumet qui avait tendance à lui faire perdre la raison. Les chasses quotidiennes qu’il faisait avec Chymes ne lui suffisaient toujours pas. Chaque seconde passée avec les miliciens ou dans une rue étroite et bondée était un véritable supplice pour lui. Pourtant il était si facile de s’emparer d’une proie. Les sentiments qu’il avait à l’égard des miliciens avaient disparus, la seul chose qui le retenait de piéger l’un d’eux était qu’elle pouvait l’en empêcher et le briser en moins d’une minute. Il n’avait pas décidé de vivre de cette manière pour mourir juste après.


Tox’ caressa sa gorge du bout des doigts puis passa sa langue sur ses crocs, geste devenu familier au fil du temps, lorsqu’une odeur particulière lui parvint aux narines. Contrôle. Il devait se retenir. Il ne put s’empêcher d’humer l’air profondément. Une proie, facile. Pas de réelle méfiance, une démarche plutôt normale. Il aurait juste à descendre du toit, suivre son gibier puis le piéger dans une de ces petites ruelles sombre.


Tox’ stoppa le flot de pensées qui le poussaient à attaquer une amaknéene, elle guettait le moindre de ses mouvements. Il huma une deuxième fois , malgré la distance qui les séparaient elle n’aurait aucun mal à le rattraper, 100 mètre ? 150 ? L’odeur parvint une deuxième fois à ses narines puis déclencha l’instinct du vampyre. Chymes avait beau être bien plus rapide que lui elle ne pourrait rien contre cela. Il sauta du toit, se reçut en douceur puis commença à courir à une vitesse hallucinante. Il parvint à sa proie en deux minutes, cette dernière ne pouvant percevoir le bruit quasiment impossible à capter continuait son chemin. La femme ne vit pas la personne qui avait fléchi les genoux avant de bondir droit sur elle.

Ennui. Noirdencre filait dans les rues d'astrub, dans une rue déserte pour aller au Zaap qui lui permettra d'aller dans un endroit plus calme. Et après ? Elle avait beau fuir tout ces habitants pour aller ailleurs, ça ne lui apportait rien.

Non.

Là n'était pas le problème. Le problème, c'était qu'il ne se passait plus rien. Entre ses séances de cueillette de trèfles et ses méditations au sommet des arbres, l'ennui et la monotonie s'installait dans la vie de Noirdencre.

Mais elle, elle n'arrivait plus à le supporter. L'idée de finir sa vie transformée en mollusque la traumatisait au plus haut point. Elle accéléra sa cadence de marche, se forçant à se focaliser sur son objectif premier, aller au zaap pour trouver un endroit tranquille.

C'est une seconde plus tard qu'elle commença à regretter cette erreur.

Un souffle. un coup de vent.

Quelque chose approchait. Vite.

Très vite.

Elle était seule dans la rue. Quelqu'un de pressé n'aurait pas pris cet itinéraire, trop long pour aller à quoi que ce soit. Une odeur qui lui était inconnue parvint à son nez.

La chose ne pouvait possiblement en avoir après elle. Pourtant, son instinct lui criait de se protéger, de se mettre en garde, de parer le coup du potentiel assassin.

Trop vite.

Elle n'écoutait plus que son instinct à présent. Elle n'aurait pas le temps de se retourner avant que la chose n'arrive jusqu'à elle, d'autant plus qu'elle n'avait aucune idée de ce que la chose pouvait être.

Son corps céda à la panique.

Elle eut juste le temps de tourner la tête...

Le changement.

Un des fondements de la vie.

Tout change. D'une manière ou d'une autre. Attendue ou pas. Voulue ou pas. Imaginée ou pas. Et des fois, le changement est tellement fort qu'il vous assomme, vous dépossède de vos moyens.

Sois l'état dans lequel Noirdencre se trouvait.

Solitude et indépendance. Puis attaque et approche de la mort.
Solitude et indépendance. Puis sauvetage qui la tire des griffes de la mort.
Créature. Personnage. La première qui l'attaque, la seconde qui la défend. Chymes.
Etait-ce Chymes ? Pourquoi était-elle là ? Comment était elle arrivée jusqu'à elle si vite ? Etait-elle donc de la même race que la créature ? Il se ressemblaient.
Pourquoi Noirdencre, jeune femme solitaire depuis l'âge de 8 ans, restée hors d'atteinte de tout le monde, qui tenait à son indépendance comme à la prunelle de ses yeux, qui ne voulait pratiquement personne dans sa vie et ne devait rendre ou recevoir de comptes à personne, venait d'être attaquée par une chose qu'elle n'arrivait à identifier, et sauvée par une personne qu'elle ne connaissait que très peu ?

Le changement. Assommée, Noirdencre restait clouée sur place, sans rien dire, sans rien faire, sans rien penser.

Le changement. Trop de questions se bousculaient dans sa tête à présent. Beaucoup trop.

Le changement.

Finalement, Noirdencre n'aura pas été touchée par la créature, mais par quelque chose de bien plus fort...

Tox’ avait eu tout le temps d’ajuster ça trajectoire ainsi que la position de son corps afin de se recevoir au sol correctement. Tout était calculé. La proie se retourna lentement et l’expression que prit son visage ne lui faisait ni chaud ni froid. Sa conscience l’aurait empêché d’agresser une amaknéene si son instinct ne l’avait pas balayé elle ainsi que tout les autres sentiments parasites que le gênaient durant sa chasse.

Fauché en plein bond Tox’ et Chymes s’écrasèrent au sol. Il n’avait pas eu le temps de bouger, elle l’avait déjà immobilisé et empêché d’esquisser le moindre mouvement. Tox’ pivota légèrement la tête, ses mâchoires claquèrent tout prés d’un des avant bras de Chymes qui le retenaient bien plus solidement que des chaines d’acier. Il tenta de se débattre mais rien à faire, la vampyresse ne le laisserait pas finir ce qu’il avait commencé. La folie qu’avait déclenchée sa soif commença à se dissiper, le laissant tout à fait lucide cette fois.

Culpabilité. Quelque chose s’était fracturée en lui, laissant ses sentiments humain se déverser comme un torrent impossible à stopper. Et la culpabilité était pour le moment le premier et le seul sentiment qu’il ressentait. Il s’arrêta de respirer, essayant de refouler cette impression de dégout qu’il avait envers lui-même.

Il venait de remarquer que Chymes avait légèrement desserré sa prise et en profita pour filer en escaladant un toit sans dire un mot ni regarder celle qu’il avait failli tuer. Chymes et lui auraient peut être le temps de parler de ce qui était arrivé ce soir mais pour le moment il devait absolument s’éloigner afin d’apaiser le besoin de solitude qui déferlait sur lui.

Le changement.

Noirdencre n'arrivait plus à penser à rien.

Le changement.

Elle oscilla...

Le changement.

Et s'évanouit.

Bises...pious...mignons...lapinos...Cris!
Khyaaa!
Comme si le monde s'effondrait autour d'elle Sanpitie se redressa d'un bloc dans son lit douillet. Quel horrible cauchemard elle venait de réaliser, plein de bonnes intentions crétines, de calins juste pour le "plaisir" -cette dernière pensée c'était manifestée par une grimace de supplicié sur le visage de la Sacrieuse.

Alors qu'elle venait de se laisser tomber de nouveau au creux de son matelas pour chercher encore une fois le sommeil, elle entendit quelqu'un pénétrer dans la taverne apparemment pressé d'arriver à bon port.
Avec toute la grace dont elle était capable au réveil, elle se dirigea le dos courbé vers la porte de sa chambre un édredon prêt à servir dans la main droite. Les bruits parcouraient le couloir en direction des chambres.

Passant sa tête par l'entrebaillement de sa porte elle jeta un coup d'oeil à droite puis à gauche juste à temps pour appercevoir une ombre filée dans une chambre de milicien inoccupée.
Trop fatiguée d'agir dans l'instant elle décida d'attendre le lendemain pour chercher des noises à l'imprudent qui s'était installé sans autorisation dans les quartiers des titulaires.
Sur le chemin de son lit elle refléchit à quel idiot avait cru pouvoir passer inapercu en courant dans les couloirs ; à coup sur c'était une des recrues qui ne supportait plus ses voisins de chambrée.
Avec l'idée de se réveiller de mauvais poil et l'envie de convoquer les bleus au p'tit matin pour un interrogatoire en règle, elle partit retrouver ses rèves de richesses et de victoires...enfin elle l'espèrait, elle frissonna à cette idée.