La fuite d'Azariel.

Ce petit bout de chaire pleurait. Ayant vu sa mère le faire pour son frère Maginoh, Azariel le berça un peu. Il vérifia que la couverture était bien enroulée autours du corps frêle et si innocent de sa fille. "Si je peux pas avoir mon fils alors j'élèverais cette petite comme je l'aurais fait pour lui." Il ramassa rapidement une morceau de tissu qui trainait dans un coin de la boucherie et l'enroula autours de son épaule gauche. Il fit passer le tout autours de sa tète et le laissa pendouiller à son flanc de tel sorte qu'il puisse y loger le bambin sans difficulté. Il pouvait la voir de là et pouvait vérifier facilement qu'elle était bien installée.

Malagar...

Il renifla l'air autours de lui et compris qu'il était suivit. Ce iop était clairement digne de le succéder à la tête de la Milice. Malgré son allégeance à ce dieu particulier il n'en restait pas moins très intelligent et s'avérait un chasseur redoutable. Il attrapa une potion de rappel et la bu juste à temps. Malagar venait de passer la porte de l'édifice quand Azariel disparu à nouveau.

Il était rentré à la taverne. Utilisant ses talents agiles d'écaflip il passa par la fenêtre de sa chambre et attrapa son nécessaire de voyage qu'il avait préparé le matin-même. Il respira longuement, berçant la petite boule de poils qu'était sa fille et reparti laissant un mot derrière lui épinglé au sol par deux objets en or brillants.

Il remit la capuche de son manteau de voyage en place sur sa tète. Le passants ne pourront pas voir ses yeux et ne pourront que s'interroger quand à l'origine du paquet qu'il avait sous sa cape. Il mit une main sur le pommeau de son épée et enfonça l'autre entre les plis du tissu qui maintenait l'enfant en place. De la paume de sa main il pouvait sentir sa chaleur, sa respiration.

"Ne t'inquiète pas. Tout ira bien. Nous allons passer un peu de temps loin d'ici, chez un ami..."

Il se demanda vaguement comment Chymes allait réagir en trouvant la lettre mais se dit qu'elle était forte et surmonterait vite cette épreuve. De toute façon Malagar la protègerait.

Il pressa le pas sur le chemin boueux et disparu dans la brume grandissante de la nuit.

Chymes pourra lire sur le parchemin les mots suivants:

"Je prends mon enfant et je part. Il ne sert à rien de me chercher puisque tu ne me trouveras pas. Je t'aime toujours mais je dois donner une chance à notre enfant. Une chance de grandir loin de la guerre, de la mort et de la haine comme nous l'avons fait.

Je sais que tu vas m'en vouloir pour mon acte et je sais que beaucoup de Miliciens seront outrés par mon geste. J'ai ordonné à Munisai de garder un oeuil sur la Milice en mon absence mais je ne lui ai pas dit où j'allais. Il n'en sait pas plus.

Ne m'en veut pas...

Azariel

PS : Ta fille se nommera Otsu."

Sur le parchemin Azariel avait laissé ses galons de Milicien.

L'entraînement forcené et le temps passé à câliner Ewène. Rien n'y avait fait. Il y avait toujours le même feu qui brûlait dans son cœur à demi-mort. Chymes avait récupéré un corps fort, doté de sens surdéveloppés et d'une résistance à la fatigue sans faille. Doté aussi d'une capacité à éprouver une rage sans limite. Son cœur était plus fort, de sorte que la fureur qui pulsait dans tout son être le faisait tambouriner sans douleur. Tous ses membres tremblaient.

La nuit, pourtant apaisante d'habitude, n'empêchait pas ses yeux de lancer des éclairs dans la chambre désormais vide des affaires d'Aza. Son odeur était fraîche sur le parchemin qui pendouillait entre ses doigts fins. Elle voulait le réduire en poussière - elle pouvait maintenant le faire si vite que l'oeil humain n'avait pas le temps de saisir le geste, elle avait testé sur une brique qui traînait à Astrub - mais elle avait besoin de l'odeur d'Aza et c'était l'une des seules choses qui la contenait encore. Elle avait déjà lu les mots, une seule fois avait suffi pour les graver dans la mémoire. Elle les sentait brûler son cerveau en ébullition.

Azariel. Le nom lui semblait étrange à prononcer. La première personne en qui elle avait placé sa confiance. La première à l'avoir rompue, également. Elle ne comprenait pas ce retournement de situation. Lui qui n'avait pas accordé d'attention à son ventre arrondi, il avait maintenant enlevé Louyah. Et il voulait la nommer Otsu en plus. Le fait qu'il ne veuille pas la tuer ne calmait pas la tempête qui rugissait en elle. Le laisser élever Louyah ? Hors de question. Il avait fui, libre à lui, mais jamais au grand jamais elle ne le laisserait emmener sa fille loin d'elle. Elle le haïssait si fort, si profondément, qu'en cet instant, elle ne ressentait plus rien d'autre. Pas le chagrin qui attendait aux portes de son esprit survolté, pas l'angoisse qui l'aurait submergée si elle avait été encore pleinement humaine, pas l'hystérie qui devait prendre à la gorge toute mère séparée de son enfant. Ewène bien calé au creux de ses bras, son esprit restait lucide, froid, implacable. Elle ne le tuerait pas, puisqu'il ne menaçait pas la vie de Louyah. Cependant, sa résolution était immuable : elle le retrouverait. Malagar l'aiderait. Le sentiment de trahison qui la rongeait depuis plusieurs semaines s'envolait. Ses envies morbides également.

Dehors, le vent s'était levé avec force. Il faisait grincer tout le bois de la Taverne. Son nouveau cœur lui semblait étrangement creux.

» Disparition... ou Fuite ?