Candidature d'Azariel

Le clou était passé à travers; la semelle était tout sauf trouée et ne demandait qu'à être changée. De toute façon il lui faudrait bientôt de nouvelles provisions ainsi qu'un peu de bière éventuellement. Il arracha le clou et enlaça sa botte d'une lanière de cuir mouillée afin de la maintenir solidement attachée le temps de la faire changer: le cuir mouillé rétrécirait et durcirait autours du pied en séchant, lui offrant une excellente solution temporaire. Il frotta le tout d'un peu de sel afin de le rendre encore plus résistant et de fixer les nœuds en place et remis le tout sur son pied, le testant d'un coup de patte et de quelques mouvements circulaires. Il lui faudrait marcher pendant que ça sèche, se dit-il, afin que ça ne rétrécisse pas trop.

Il posa sa couverture sur le sol, l'étalant bien à plat et entreprit de poser ses affaires au milieu de façon très ordonnées. Il plia la couverture en trois dans le sens de la longueur, recouvrant ses items personnels puis noua deux cordes autours de la couverture au dessus et en dessous de là ou se trouvait ses affaires afin de les maintenir en place lors de sa marche. Se servant de sa couverture comme sac en bandoulière, il pouvait facilement transporter ce dont il avait besoin pour survire lors de ses excursions et trajets dans les contrés d'Amakna.

Sortant de l'abri de fortune que lui avait offert pour la nuit un promontoire rocheux, Azariel respira un grand coup, appréciant la fraîcheur et l'humidité de l'air. Un jour parfait pour reprendre la route. Il croqua dans les restes de son dîner du soir précédent qu'il ramassa en passant près du foyer où avait brûlé son feu, un petit rongeur du coin, grillé avec quelques brindilles d'herbe à chat, chantonnant un air paillard entre deux bouchés. La hache qu'il s'était acheté plusieurs jours plus tôt était maintenant glissée entre les plis de son sac-couverture, et tapait légèrement sa hanche à chaque pas. Il appréciait ce poids et le sentiment de robustesse qui venait avec et, loin d'être encombré par cet objet bougeant à chaque pas, il se sentait rassuré par sa présence. Les parages n'étaient jamais surs, même pour un disciple écaflip aussi expérimenté que lui.

Il voyait déjà la ville au loin et s'en étonna, pensant être encore loin de cette étape de son voyage. La route sinueuse, guère plus qu'un chemin de terre tracé par les passages de maigres troupeaux et de voyageurs isolés tels que lui, devait l'emmener directement à ce hameau de maisons et d'entrepôts si typiques des petits villages de campagne. Il sentit d'un coup une bouffé de stress et d'angoisse, réalisant qu'il n'était plus très loin du moment qu'il préparait depuis quelques temps dans son esprit. Il passa la patte dans son veston et caressa du bout des griffes le parchemin sec et craquelé, bien à l'abri des intempéries. Puis, sur un coup de tête, il attrapa ce parchemin et entreprit de le relire une énième fois tout en marchant vers sa destination.

Le soleil commençait à chauffer et sa cape flottait doucement autours de lui, laissant l'air frais lui caresser le pelage. Il continua doucement sa route, mesurant ses pas instinctivement afin de se donner le temps de lire:

"Chers Miliciens,

Je pense que la plupart d'entre vous me connaissent bien déjà, mais pour les autres je vais me présenter rapidement. Je m'appelle Azariel et je suis un disciple d'Ecaflip avec 162 cercles à mon actif. Je joue toute en finesse en utilisant des attaques très ciblées et, étant disciple d'Ecaflip, c'est souvent des coups de l'ordre de "ça passe ou ça casse!". Je connais intimement la Milice de part les nombreuses affaires que j'ai eu avec elle et je rencontre très souvent certains de ses membres lors de sorties et de donjons.
Je suis sympa, de bonne nature, marrant (n'écoutez pas ce que diront certains), très actif et j'aime les grattouilles sur le ventre. J'aime aider les gens autours de moi et animer le groupe avec lequel je suis.
Pour ce qui est de mes motivations, si je souhaite réintégrer la Milice c'est que j'ai besoin de retrouver l'ambiance qui y régnait... sans parler des gens qui m'ont demandé de revenir. J'ai beaucoup voyagé depuis mon départ et j'ai besoin de retrouver le contact humain et le sentiment de faire partie d'une communauté soudée et amicale.

Si vous voulez me parler, je serais sûrement, comme je le faisait avant, assis à une table au fond de la taverne, un bon grog chaud entre les pattes.

Merci de m'avoir lu.

Cordialement,

Azariel."

La forêt s'ouvrit pour laisser place à une mer de champs, un patchwork gigantesque de plantes en tout genre. Il replia la lettre soigneusement et la remit dans sa poche. Il n'était plus très loin maintenant des premières maisons et entendait déjà les bruits des gens qui vaquaient à leurs occupations habituelles.. Il connaissait bien la route et marchait de plus en plus vite. Très rapidement il laissa derrière lui les maisons et s'enfonça à nouveau à travers les champs, suivant une route bien moins fréquentée qui l’amènerait droit à une taverne très spéciale.

La petite clairière, la vielle battisse en bois sombre, les effluves d'alcool, de sueur, de feux de cheminé, de nourriture... et même de sang; tout lui rappelait le bon vieux temps. Il poussa la porte, appréciant à nouveau son grincement familier, et se dirigea droit vers le panneau d'affichage pour y punaiser sa lettre.

Laissant la serveuse avec un air perplexe affiché sur son visage, il parti s’asseoir à une table... un bon grog chaud entre les pattes.

Il se rendit à la taverne d'un pas nonchalant, un sourire typiquement Iop sur le visage. L'été pointait le bout de son nez, enfin, si on considère qu'une saison puisse en avoir un. Il faisait déjà chaud, très chaud. Le Iop se baladait vêtu uniquement d'un pantalon depuis quelques jours déjà, et il hésitait franchement à le retirer lui aussi, mais le sermon de sa mère lui revenait alors en mémoire :
"Tu dois toujours porter un pantalon mon chéri, et ne l'enlever que si celui ce prend feu. Ce sont là les bonnes manières."
Alors, il continuait à avoir chaud. Obéir à sa maman était la base de son éducation, il n'allait pas changer ça maintenant.
Il marchait donc, se dirigeant vers la taverne. Il poussa doucement la porte, fit un signe à la serveuse afin qu'elle lui apporte une mousse bien fraîche, et se mit devant le panneau des candidatures. Il parcouru rapidement la candidature d'Azariel.
Il écrivit : "POUR, mais compte pas sur moi pour te gratter le ventre et chopper tes puces."
Puis, il tourna la tête, cherchant le matou parmi les clients. Il lui fit un bref signe de la main, et sortit de la taverne, non sans avoir recommander une bière.

Un épouvantail ? Un mulou desséché ? Non...ce n'était que Linoah, les cheveux gras et sales, sous ses yeux de grandes cernes. Son regard semblait loin, très loin...trop loin peut-être. Elle n'était déjà pas grosse mais là semblait vraiment maigre, ses vêtements partiellement en lambeaux ne laissaient tout de même rien paraitre.
D'un pas lent et quelque peu nonchalant, elle se dirigea jusqu'au tableau des candidatures.
Elle fit mine de regarder le panneau, puis se tourna dans la salle pour apercevoir le matou en question elle se contenta de l'apercevoir sans même faire un quelconque signe.
Sa main alla jusqu'à son visage, comme si quelque chose l'ennuyer. Puis elle sortit une plume et apposa ce qui semblait être un "Pour le retour du matou".

Elle passa vite à une autre candidature avant de prendre la direction de la sortie.

Les clients ne peuvent s'empêcher de rire en voyant le petit vieux sautiller devant le panneau d'affichage avec une plume à la main, replaçant à chaque saut ses petites lunettes sur son nez.
"Il... faudrait vraiment... qu'ils descendent ce panneau..."
La deuxième candidature lui semble familière. Il a déjà vu cette écriture quelque part. Mais où ? Pfff... Impossible de se souvenir.

Après mûre réflexion, il gribouille une réponse à bout de bras:

POUR. Sauf si tu t'amuses à piquer des gigots en cuisine

Après avoir accepté la rencontre avec Nawanoo, Esthalia fut attirée par une écriture qui lui était familière...

"Raaah, c'est l'écriture d'un ancien ça... mais lequel ?"

Elle ne désirait pas réfléchir pendant des heures sur l'identité du candidat et se mit finalement à lire le parchemin.

Evidemment qu'elle le connaissait pour avoir parcouru les sols enneigés de Frigost afin de rencontrer des monstres plus dangereux les uns que les autres, elle le connaissait aussi grâce à Meorwyn et savait qu'il était un bon combattant toujours prompt à partir à l'aventure.

Evidemment qu'elle voulait de son retour.

"Pour" inscrivit-elle.

Elle le repéra et s'écria à travers la salle.

"Hey Aza', j'espère que t'as pas d'puces et que tu perds pas tes poils ! Chuis contente que tu suis là si tu respectes ses deux conditions...". Elle rit.

"Hoo haa hoo haa hoo haa, Yaranaika...!"

Chantonnant sur son propre nom un air qui lui venait comme ca, sans raisons, Yara examinait les nouveaux parchemins mystérieusement apparus durant son absence de quelques jours.
Des fautes partout, non c'est pas la peine.
Celui là illisible, non plus.
Et celui-ci tâché de partout, non merci.

Et puis enfin ses yeux se posèrent sur un parchemin bien propre, bien rédigé, et à l'écriture familière. Azariel.
C'est tout frétillant qu'il s'empressa de finir de lire, le grand félin loufoque lui avait manqué durant son absence, avant d'apposer un gigantesque "POUUUUUUR" à la suite des autres avant de se tourner vers la salle principale.

Apercevant l'écaflip dans la salle, il s'empressa d'aller vers lui discrètement pour aller lui gratter le dos... huhuhu...

[Zazaaaaaa! *gros poutou*]

Peu bavard et peu enclin à discuter, Yokho se faisait discret depuis quelques temps. N'aimant pas afficher les signes d'une faiblesse existante, il ne montrait pas cette lassitude de la vie qu'il venait d'avoir depuis l'intervention qu'il avait effectué sur la Patronne. Ce temps de vie perdu avait changé quelque chose chez lui, il n'arrivait plus à se fixer à nouveau un but. Cependant, l'idée de devoir s'occuper d'une petite apprentie lui avait redonné un petit peu de travail et cela se remarquait un peu plus chaque jour. En effet, le maitre xelor recommençait peu à peu l'exercice, les petites courses matinales, une alimentation plus équilibrées. On le trouvait également souvent assis dans l'herbe, un bouquin de sorts anciens à la main, peaufinant ses dernières techniques. Lui qui était l'un des plus grands chefs de guerre de Brakmar, lors d'une époque lointaine, recommençait à retrouver cette soif de démonstration de force.

Ce changement qui commençait à naitre chez lui provoqua un retour assez inattendu dans la taverne. Il était d'ailleurs assis à une table, au fond de la large pièce principale, lorsqu'au milieu de soiffards et de quelques chaises renversées, un vieil ami, qu'il connaissait depuis longtemps, entra dans la salle d'un pas sûr et déterminé. Azariel, un chaton qu'il appréciait tout particulièrement. Il était en effet un fervent combattant et ne déméritait pas dans les batailles. De plus, il était rare de le voir désagréable, "une bonne personne ce Aza" qu'il se répétait souvent.

Sa petite boisson énergétique finie, il ramassa un parchemin crasseux, imbibé de la bière qui s'était déversée sur la table. Avec une plume, et un petit peu d'encre qu'il avait gardé sur lui, il essaya de faire ressortir un Pour sur ce papier humide. Puis, passant aux alentours du large panneau, il frappa le mur juste en-dessous de la candidature d'Azariel pour y coller son petite mot.

[Bon donc je suis Contre par principe, même si je suis Pour. L'intéressé comprendra, c'est une affaire de l'ordre du privé ! Donc c'est un Contrepour que je dépose ici !]

C'est avec peine que Mahzo poussa la porte de la taverne, sa côte cassée le faisait souffrir affreusement. D'un pas lourd, il s'approcha du panneau de candidatures qu'il parcouru de son œil unique. Plongé dans la lecture d'un nouveau parchemin, il ne sentit pas le sang qui coulait dans son dos. Sans vraiment réfléchir, il apposa un POUR au bas de la candidature. Une goutte de sang coulant le long de son bras attira son attention. Ses plaies s'étaient réouvertes. Il grogna, puis sorti de la taverne. Il s'assit dans l'herbe encore humide, dans une position qui ne le faisait pas trop souffrir. D'un geste lent, il tira d'une de ses poches, un petit calumet en bois. Il y mis quelques feuilles de kaliptus, et l'alluma d'une simple flammiche. La fumée s'éleva dans le ciel, le dopeul poussa un long soupir. Il était en vie.