Changement de cap

"Le Soleil était déjà haut dans le ciel quand je me suis éveillée. Sa chaude lumière était entrée par un des nombreux trous du toit de paille.

C’est nul, je voulais faire la grasse matinée moi.

Je me suis donc levée, j’ai pris trois habits en vrac dans ma petite commode de frêne et un seau. Je suis sorti de ma chambre en adressant un vague « bonjour » à maman qui cuisinait déjà. Elle fut prise d’un fou rire en me voyant, ce qui me fit déduire deux choses. Mon air caverneux était en totale contradiction avec l’heure tardive quoique pas assez à mon goût ou alors la marque de mon oreiller était désormais incrustée sur mon front. Décidant de ne pas perdre plus de temps à réfléchir à ce dilemme existentiel, je suis sorti récupérer un peu d’eau dans notre puits avec laquelle je me suis décrassée parce que quand on se réveille, on est crado.

Une fois relativement propre, les cheveux trempée, je me suis rapidement habillée.

En fait c’était une journée assez normale, je sais même pas pourquoi je vous raconte ça. Surement parce qu’on se souvient mieux de ce genre de détails que du reste.

Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pour que je me retrouve dans ce drôle d’état d’inconscience. C’est très étrange de se dire qu’on a vécu plusieurs semaines sans ressentir quoi que ce soit, sans même s’en rendre compte. Je n’ai pas encore de réponse à ça. Je sais que papa est mort de maladie sans même que je ne cherche à le pleurer. Je crois que mon petit frère m’a volé des poupées. Et que maman a beaucoup pleuré.

Il s’en est passé des choses depuis ! C’est ce type barbu… Le prof comme je l’appelle parfois. Il m’a bien aidé l’air de rien…"

Cette petite histoire commence quelques mois après que Tizooma ai rejoint la Milice Ecarlate. C’était une époque de débauche, la période où on ne sait pas quoi faire de sa vie. La petite passait donc ses journées à dormir et ses nuits à trainer avec des personnes assez peu recommandables. Un train de vie qui ne lui réussissait absolument pas, bien qu’elle refusait de s’en rendre compte. On ne peut pas vraiment savoir ce qu’elle serait devenue si elle avait continué ses bêtises encore longtemps. Mais ça n’a pas continué.

Un soir, alors qu’elle était ivre et riait stupidement avec de drôles de cocos, elle vit la silhouette massive d’un homme connu sous le nom de Monsieur Barrique. Qu’elle ne connaissait évidemment pas, cela allait de soi. C’était un homme relativement âgé, abordant une barbe grise travaillée et une tunique à la manière de certains nobles et haut gradés politiques. Il s’assit à la table où se trouvait Tizooma, et se mit à injurier ses accompagnateurs d’une telle manière qu’ils décampèrent sans demander leur reste, d’un regard compris, laissant là la gamine pétrifiée de peur. Cette rencontre entre deux âges se déroula assez mal. Il y a toujours plus agréable comme remède aux effets de l’alcool que de se faire engueuler comme du poisson pourri. Mais il n’y a pas plus efficace pour remettre les gens à leur place. Ce type n’était pas là pour rien.

On ne sait pas vraiment ce qui s’est dit après le détonant sermon. Toujours est-il que les deux personnages sont repartis ensemble. Des rumeurs circulent disant qu’ensuite, la petite aurait intégré l’Université d’Amakna en obtenant des résultats très convaincants aux tests qui lui furent proposés. D’autres vents racontent que Monsieur Barrique en serait un professeur reconnu. Mais moi, je sais que tout cela est vrai. Je sais que si on ne la voit plus boire à la Taverne, c’est pour une très bonne raison. Parce qu’on est beaucoup mieux quand on sait que l’on a un avenir. Tizooma est une élève qui se débrouille bien et qui est très motivée. Il n’empêche que certains professeurs sont obligés de noter qu’il lui arrive de temps en temps de faire l’école buissonnière. La fillette vous répondrait que retrouver sa mère, son frère ou sa famille adoptive est plus important pour elle qu’une leçon de vie sur l’économie du Châtaigner.

Qui sait, elle n’est surement pas totalement en tort… Peut-être qu’un jour, on la verra sortir de cette Université avec des idées plein la tête et un grand sourire. En attendant, se remplir la tête est surement une meilleur idée que de se remplir de choses peu recommandables.

[HRP : Voici un peu tardivement mais un peu réfléchie la raison RP pour laquelle Tiz' disparaît pendant de longues périodes. Voilou voilou !]

Un petit mot est accroché sur le panneau d'affichage. Ecrit sur du papier plié dans tous les sens, entouré d'un grand coeur, son écriture est pour le moins singulière et assez illisible. En faisant un effort, on peut tout de même en décrypter le message.

Mes gloubinours en sucre,

Moi, je suis plus en vacances alors je repars à l'école en Amakna. Vous allez pas me voir pendant au moins aussi longtemps que la dernière fois. Je vous fais de gros bisous à tous. J'ai également préparé une liste de mots personnalisés pour pas mal d'entre vous.
- Ascheryth, mon tuteur adoré, prenez soin de vous et d'Emeraude, les autres vont pas être d'accord mais moi je pense qu'elle a de la chance de vous avoir.
- Sibyl, fais attention à Deel, je me retiens de faire une blague pourrie, je t'aime fort.
- Lethis, ton chapeau est moche, tu devrai vraiment te dépêcher d'en changer.
- Asgaya, fais peur à Terry, je trouve ça rigolo. Gros bisous !
- Terry, arrange un coup à Sibyl.
- Fizone, ne bois pas trop, c'est mauvais pour la santé.
- Anshin, arrête de fumer, c'est mauvais pour la santé.
- Narshen, arrête de ramasser des crapauds, c'est mauvais pour la santé.
- Kid, bravo pour ta promotion, mais fais comme Lethis, change de chapeau. Vous êtes les chefs, ayez un peu la classe quoi !
- Lindhys, voilà.
- Les types à l'essai, z'avez intérêt à être gentils, sinon c'est méchant.

Je vous aime tous très fort, gros bisous !

Nowel en famille, c'est super rigolo.

Je suis rentrée chez moi dans l'après-midi. Il flottait dans l'entrée une douce odeur de bouillon, mêlée à celle des fêtes et des gens heureux de se retrouver. Ca sentait bon. Je n'ai pas eu le temps de refermer la porte d'entrée que Chansonnette m'a sauté dessus. On s'est mises à crier, à chanter puis à danser. Elle était très contente de me revoir et moi aussi. Depuis qu'elle travaille sur l'entretient des ponts marchands, elle est débordée et je ne la vois presque plus. C'est assez triste parce que c'est ma grande soeur et que je l'aime fort. On chantait tellement fort que mamie, qui dormait dans la salle à manger, s'est levée en bougonnant. Mais elle a sourit en nous voyant.

Maman, quant à elle, était concentrée sur sa cuisine. Elle savait que j'étais là au vu du bruit que nous provoquions, je pense qu'elle souriait, penchée sur sa marmite. Chez nous, c'est pas grand, mais c'est animé. Je suis donc allée voir maman et lui faire un bisou. Elle m'a prise dans ses bras et caressé les cheveux. J'aime beaucoup quand elle fait ça, je me sens toujours heureuse et en sécurité.

Nous n'avons pas mis longtemps à passer à table parce que papy n'arrêtait pas de dire qu'il avait très faim. On s'est donc assis autour de la grande table de la salle à manger et on a commencé l'entrée. C'était de la salace et moi j'aime pas trop ça. Chansonnette non plus d'ailleurs. Du coup on a essayé de la donner à papy mais il a grogné en disant que nous devions manger la salace que maman avait préparé parce que maman faisait la meilleure salace du monde. On a mangé et j'ai pas aimé. Je suppose que même la meilleure salace du monde n'est pas bonne. Chansonnette s'est mise à parler de son travail. A ce moment, je me suis rappelé pourquoi on appelait ma soeur Chansonnette. Elle a une très jolie voix quand elle raconte des choses, on a presque l'impression qu'elle chante. Mais son vrai nom c'est Cacille. Même si tout le monde l'appelle Chansonnette.

Elle racontait donc que les ponts marchands sont très mal entretenus parce que les gouvernements refusent de payer des ouvriers trop cher pour le faire. Mais que son patron et ses collègues sont en train de trouver des solutions économiques pour le faire. Il y avait des détails très techniques, je n'ai pas tout compris. Elle a beaucoup parlé et tout le monde l'écoutait, puis maman s'est levé en sursaut en disant que sa truche allait brûler. Et c'est ainsi qu'on est passés au plat de résistance.

La truche que maman fait pour Nowel est toujours très bonne. Mais je ne mange pas beaucoup alors j'ai finit le peu que j'avais dans mon assiette en premier. Je me suis mise à regarder mamie. Elle est très âgée et prenait son temps pour manger. On aurait dit qu'elle se concentrait très fort, c'était rigolo. Puis maman m'a regardé et m'a demandé d'où venait le joli collier avec une pierre verte que j'avais autour du cou. Je lui ai répondu que c'était Ascheryth qui me l'avait donné et que c'était très précieux, puis que je devais en prendre vraiment soin. Elle m'a répondu qu'il faudrait vraiment qu'elle rencontre Ascheryth un jour tellement j'en disais du bien. J'ai trouvé cette perspective un peu effrayante. Ce que je disais sur Ascheryth était vrai, et c'était la seule raison pour laquelle elle ne s'opposait pas à ce que je travaille un peu dans la taverne du Poney qui Tousse. J'espère que maman ne cherchera tout de même pas à en savoir beaucoup plus, ça m'ennuierait de devoir quitter la Milice si elle apprend que je suis mercenaire.

Après le dessert, un gâteau au chocolat super bon, on a ouvert les cadeaux. Moi j'avais offert un pull à mamie avec un "M" et un autre pull à papy avec un "P". C'était ringard mais rigolo. Ils ont beaucoup aimé. Pour Chansonnette, j'ai offert un bracelet en perle que j'ai fait moi-même, et ça m'a pris beaucoup de temps parce que je suis pas très douée. Puis pour maman, j'ai acheté un chapeau tout neuf et très à la mode parce que je sais qu'elle est comme moi et qu'elle aime beaucoup les chapeaux. Puis moi, j'ai reçu une jolie paire de bottes de mes grands-parents, un gros livre sur les garçons de ma soeur (qui a l'air de tenir absolument à ce que je me trouve un amoureux) et une toute nouvelle guitare de ma maman, parce que j'ai mise l'ancienne au feu. C'était celle que Pakun m'avait fabriqué mais elle me dégoûtait et je n'avais plus envie d'en jouer. Chansonnette trouvait ça dommage parce qu'elle aime beaucoup chanter quand je joue. Du coup on va pouvoir recommencer.

En tout cas c'était vraiment un chouette Nowel en famille. Je suis très heureuse de les avoir tous revus. Mais maintenant je vais aller souhaiter un joyeux Nowel aux Miliciens aussi, parce que je les aime fort.

Le 25 Descendre.

[Journal intime de Tizooma]