une supplique solitaire

Sur son dos laiteux, la couleur de la lune. Elle irradiait le teint malsain de ses rayons, accrochant d'ombres fugaces les irrégularités laissées par une lame sur la peau. Cicatrices. Le vent frais de la nuit réveillait les anciennes douleurs.
L'être s'avançait d'ombre en ombre, se fondant dans la grisaille, tentant d'effacer cette énervante pâleur, cette particularité qui l'isolait dans la foule et attirait sur lui les regards. Se cacher, se montrer? Retirer ces couches de vêtements lui avait tant coûté. Des marques enlaçaient son torse, à l'air libre, visibles par n'importe qui. Il le fallait, s'il voulait être un Sacrieur digne de ce nom. S'il voulait être quelqu'un. Peu importait l'histoire de chaque entaille, de chaque brûlure. Peu importent les souvenirs.

Sous le bandeau qui maintenait sa tignasse blanche en arrière se précipitaient des idées confuses, comme les pensées d'un petit rongeur craintif, des flashs instinctifs, plus prémonitions que réflexions raisonnées. Ses pas le conduisaient à travers les bois, jusqu'à la bâtisse isolée, sa silhouette trapue de bonne grosse massure rustique campée dans la plaine, rassurante. Un abri.... un espoir? Les pensées, elles, le ramenaient en arrière. En avant, en arrière... Se cacher, s'exposer... Avancer, reculer.

Danse, petit garçon, on n'échappe pas à son sang. Ce qui fut gravé dans ta chair ne s'effacera jamais, et la haine dans ton cœur... Peux-tu survivre sans?

Ainsi chantait le vent, l'ombre qui rodait derrière Tim Timore, caressant les plaies depuis longtemps refermées, ébouriffant avec affection les cheveux duveteux de l'albinos. Un venin patient qui empoisonnait son âme, seul héritage commun de deux frères. Venin à la voix douce, venin à voix de femme.



Le jeune homme se coula à l'intérieur de la Taverne, se repérant sans peine en ces lieux maintes fois visités. Il n'y avait personne qui veillait à cette heure de la nuit. C'était presque l'aube. Les quelques soulards restants avaient été jetés dehors une heure plus tôt.
Il porta la main à l'une des nombreuses poches qui constituaient son pantalon, labyrinthe de toile dont lui seul connaissait les recoins. Un parchemin roula entre ses doigts agiles, et, arachnéens, ils vinrent le fixer sur le panneau des candidatures.
Les yeux rouges parcoururent une dernière fois les lignes rédigées par ses soins, bien qu'il les connaisse déjà par cœur.
Un soupir, un gémissement quand sa canine acérée entailla son doigt et qu'il apposa sa marque par dessus sa signature.
Etait-ce un nouveau départ? Ou le fiel qu'il avait laissé échappé avait-il déjà entaché ces lieux? Suivait-il encore les traces de son frère, ce chemin rancunier? Volait-il sa place, comme le croyait le Iop rouquin? Ou saurait-il se faire, ici, parmi ces gens, sa propre place, sa propre existence?

Laissant les questions en suspens, Tim tourna les talons, après un dernier regard à la pièce chaleureuse, au foyer qui achevait de s'éteindre. Ici, peut être...

Demain, il y aurait des réponses. Il disparut dans la nuit.


"Bonjour à vous, amis de la Milice Ecarlate.

Certains d'entre vous me connaissent, voilà un certain temps que je fréquente les abords de cette Taverne. Mon attitude a pu vous déplaire, je comprends qu'une personne qui préfère observer -certains diront espionner- plutôt que se présenter de prime abord suscite la méfiance. N'y voyez pourtant aucune malveillance. Je suis seulement de nature timide et discrète...
J'ai peu de talents, et ma force ne vous sera pas d'une grande aide. Même si je suis disciple de Sacrieur, je n'aime pas la douleur, c'est pourquoi je ne vaux pas grand chose en combat. J'essaye néanmoins de progresser, et je suis prêt à m'entrainer dur pour être un des vôtres. Je peux aussi faire de menus travaux, le ménage, l'entretien, la plonge ou servir à la Taverne. J'ai l'habitude d'être inutile et de me faire traiter de parasite... J'espère au sein de la Milice servir à quelque chose.
J'envie la camaraderie qui semble régner entre vous. Je n'ai jamais eu la chance de faire partie d'un groupe de gens liés par quelque chose comme un idéal ou...

Je vous prie de m'accepter parmi vous. Je ferai ce que vous voudrez pour cela. Tout ce que vous voudrez.

Ma famille, vous la connaissez. Appah Timore est mon frère, que cela me plaise ou non. Je ne tiens pas à déballer ici ce qui s'est passé entre nous. Je veux passer à autre chose, et cela repose sur vous. Je ne peux pas effacer ma rancune juste pour vous faire plaisir. Je ne peux pas faire semblant d'espérer son retour. Mais si cela doit advenir, je ferai mon possible pour ne pas lui faire de mal. Je ne suis pas venu me venger, ou ruiner sa réputation. Pardonnez moi si je m'égare, si la douleur me rend caustique.
Je vous dépeins mes défauts dans l'espoir que ma sincérité vous convainque de ma bonne volonté, en priant pour qu'ils ne vous découragent pas de m'accueillir parmi vous. Si je vous dit la vérité en me traitant de menteur, que penserez vous de moi? Je ne peux pas me porter garant de moi même. Je suis quelqu'un de faible, autant dans le physique que dans le caractère. On me l'a suffisamment répété. On a imprimé cette réalité, au plus profond de moi. Je ne connais que la survie, la méfiance, la soumission et la trahison. S'il existe autre chose en ce monde, quelque chose auquel je puisse, petit nuisible, aspirer, s'il vous plait, montrez-le moi.

Je vous en prie, acceptez-moi parmi vous.

Tim Timore"

La porte de la Taverne s'ouvrit en silence, laissant discrètement entrer une forme sombre.
Le chevalier noir n'avait pas son masque d'indifférence habituel, comme s'il était fatigué de faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Peu lui importait pour le moment d'être mis à nu, sa vraie personnalité percée à jour.

Non, pour l'instant, sa seule préoccupation était de chasser.
Pas une chasse ordinaire cependant.
La traque d'une personne.

Il n'aura que ce qu'il mérite au fond.

Il se dirigea dans un coin de la pièce, à la recherche de son familier bruyant et tintant, quand un parchemin attira son attention.

"Tim?"

Parcourant le parchemin de son regard, il se remémora sa première rencontre plutôt mouvementée avec le Sacrieur albinos, et comment celui-ci avait aidé Taäh...

Il n'avait aucune raison de refuser de le voir entrer à la Milice, au contraire.

Il prit de quoi écrire et griffonna un "POUR" presque lisible pour une fois.
Il hésita un instant la plume à la main avant d'écrire à la suite:

"Ravi de te revoir ici...
Lethis."

Il prit le tabouret à l'écart, oublié sans doute par un client, et s'installa dessus.
Juste pour un instant.
Il caressa distraitement son familier à clochettes, le regard chargé comme si le poids des années l'avait rattrapé.

Wne venait d'être accepté dans la Milice. Elle était super contente et faisait la folle dans la taverne. A la même table qu'elle, il y avait Tim. Un postulant.

Elle était entrain de lui écrire un pour qu'elle allais accrocher à sa candidature, elle l'avais lut avant! Et il avait l'air d'être un milicien parfait.

Après lui avoir montrer le mot de 4 lettres qu'elle à écrit en plus de 15 minutes, elle l'accrocha sur sa candidature.

Elle le savait bien, elle n'avait jamais été aussi heureuse de sa vie.

Barbomb était triste. Très. Trop. Et en colère, de plus. Mais lorsqu'il vit la candidature de Tim, un léger sourire éclaira son visage. Mais lorsqu'il vit en quels termes il parlait de lui-même, se sourire se dissipa, et sa tristesse se fit plus grande encore.
D'un geste las, il pris une plume, la trempa dans l'encrier et apposa un "POUR" suivit de quelques mots :
"Je te promet que d'ici quelques temps tu verra une tout autre image de toi."

Une mission pour le moins difficile... que celle de vouloir déchiffrer un livre contenant le plus grand secret d'un vieil Enutrof. Qui plus est, c'était loin d'être le genre de mission qu'aimait mener Kid. Bien que se soit toujours mieux que de devoir se battre face à une quelconque personne, ou même face à un monstre.

Depuis deux à trois semaines, il avait commencé à le déchiffrer. Il avait avancer bien vite durant tout un moment, mais depuis environ une semaine, il était totalement bloqué. Il ne réussissait plus à déchiffrer le moindre mot. Les mots qu'il avait auparavant réussi à trouver ne correspondaient plus du tout. Il en venait à douter de ce qu'il avait mis. Et en plus, c'était cette dernière partie qui était la plus importante, qui donnait tous les détails pour finaliser au mieux cet alliage. Mais rien n'y faisait, il avait beau y passer ses journées et ses nuits, Kid n'avançait pas.

Rien de mieux donc qu'une chopine pour penser à autre chose. Qui sait, peut-être espérait-il même au fond de lui-même que quelqu'un vienne l'aider, comme cela c'était produit lorsqu'il recherchait Mythe Ryle. Il était prêt à dépenser tous ses kamas dans cette entreprise. Absolument tous.

Mais personne ne pointait le bout de son nez pour l'aider. Le Féca poussa un soupir, et son regard se détourna vers le panneau des candidatures. De nouveaux parchemins... Ca faisait un moment qu'il n'avait plus donné son avis. Il s'approcha du premier et le lut. Un certain Tim Timore... Un être qui paraissait un peu bizarre... Comme tout le monde ici. Kid sortit la plume qu'il avait l'habitude d'avoir et marqua un POUR. Suite à cela, il retourna à sa table...

[bon... je suis au fond du désespoir... j'ai passé près de trois heures à rédiger une réponse qui vient d'être anéantie parce qu'il y a une touche de ce foutu clavier qui correspond au raccourci de "précédent" p_p. Vous m'excusez donc si celle ci est amputée de quatre cinquièmes, j'ai vraiment plus la motiv, surtout vu l'heure T_T]


Malgré son physique singulier, Tim passait généralement inaperçu. Ses yeux couleur sang et sa peau légèrement translucide, qui laissait deviner son réseau veineux bleuté et rosâtre, ne suffisaient pas à réduire son insignifiance apparente. Sans doute cela résultait-il d'un entrainement destiné à survivre à la connerie hautement répandue consistant à molester quiconque avait le défaut de combiner en lui la différence et la faiblesse.
Tout chez lui se dérobait, de son regard fuyant à ses mains s'égarant au fond de poches multiples, jusqu'à son pantalon tellement rapiécé qu'il était impossible de savoir quel tissu était celui d'origine. Cela formait un patchwork sans aucune logique de pièces de matière, couleur et motifs différents suffisant à donner mal de tête à celui qui commettrait l'erreur de le regarder de trop près.

C'est sans doute la raison pour laquelle l'entrée de Tim dans la taverne n'attira l'attention de personne. Il se fondit dans la foule joyeuse venue se rafraichir le gosier par ces temps orageux, et se saisit nerveusement de sa candidature.

Un sourire incrédule se peignit sur ses traits, rajeunissant son visage, lui donnant presque l'allure d'un enfant, prêt à croire toutes les promesses. Il hésita un moment, cherchant comment montrer sa gratitude, et finit par se contenter de griffonner un simple : "Merci. Je ferai des efforts".

Encore une fois Azariel se retrouva devant le panneau d'affichage. Il regardait depuis quelques jours le va et vient incessant de gens devant les parchemins accrochés au mur sans pour autant y répondre lui-même. Il s'était donc motivé du mieux qu'il pouvait (pour quelqu'un qui venait de sortir du lit rien n'est simple) et s'était promis d'en finir une bonne fois pour toute.

Il brandit fièrement sa plume et se mit à griffonner une réponse qui lui semblait adéquate sur le parchemin de Tim.

"Cher Tim,

Si t'es vraiment aussi faible que tu le dis n'hésite pas à me demander de l'aide pour ton entraînement. en attendant je veux bien te refourguer une place parmi nous.

Cordialement,

Azariel"

C'était curieux. Cette sensation de pouvoir tout remettre au lendemain, puisque de toutes façons, il n'y avait rien d'important à la clef. En fait, c'était comme ça depuis qu'il était rentré dans la Milice Ecarlate, étant donné qu'il avait achevé tout ce qu'il avait à faire avant. Et puis il s'y portait bien, après tout. Il n'avait pas grand chose à faire, il se distrayait...
cependant, il en oubliait les candidatures. Il se leva de sa chaise, chais qu'il avait occupé deux bonnes heures déjà, dans un coin reculé de la taverne, et alla jeter un oeil aux candidature. Il s'arrêta donc sur celle de Tim Timore, prit le temps de la lire en entier, puis sorti sa plume pour y écrire un "pour", avant de se tourner vers les autres parchemins.

Taäh entra dans la taverne en trainant des pieds, histoire de faire sa BA mensuelle, qui consistait à s'efforcer de lire une candidature et d'y répondre pour ou contre au pif, sans trop y réfléchir. Ouais, c'était ça le truc, faire semblant de reflechir serieusement devant le parchemin, puis répondre en donnant l'air d'avoir analysé le postulant. Chose un peu compliquée vu qu'il survolait à peine les écrits, mais il simulait bien.
Alors qu'il glissait sa plume en bas du parchemin pour y apposer son contre, obtenu en tirant à pile ou face avant d'entrer là, ses non-yeux captèrent deux mots, deux noms qui ne lui étaient pas inconnus.

Tim Timore.

L'alchimiste se figea.
Brutalement, des souvenirs lui revinrent en mémoire, des choses qui étaient enfouies profondément en lui depuis son amnésie, que les évènements d'après avaient achevé d'enterrer très profondément.


Le Sacrieur souriait, l'air content de lui.
-Je pourrais t'en ramener d'autres.
-Des plus gros ?
L'albinos se passa une main dans les cheveux, observant son interlocuteur blopesque.
-Bah... j'essayerai, ouais... j'ai pas de problèmes avec les rats. C'est pas mauvais, roti.


Tim Timore.

Il avait veillé sur lui aussi, alors que l'Eniripsa voyait sa mémoire s'effriter lentement, et les visages connus disparaître dans le néant sans qu'il ne puisse rien y faire.
Son parchemin faisait pitié. Il avait plus l'air d'une malheureuse supplique que d'une candidature classique. Le jeune homme n'avait pas changé. Il était timide, farouche, méfiant, peu sûr de lui.
Taäh s'en voulait d'avoir tenté de le tuer lors de leur première entrevue, avec Lethis. Il faisait partie de ce nombre très limité de gens qui ne le regardaient pas comme un monstre, comme une pauvre chose inhumaine et pathétique. Et ça, à ses non-yeux, c'était important. Plus que tout.
Quand les membres de votre propre famille vous poignardent dans le dos, ceux qui sortent du lot et daignent vous tendre une main chaleureuse n'en sont que plus appréciés.

La main gélatineuse remua tout doucement, faisant tracer un "pour" d'une écriture légèrement tremblante, mais jolie.

Taäh recula, songeur, puis se dirigea finalement vers la sortie.

Tim Timore.